La dendroclimatologie... ou l'art d'analyser les signaux climatiques contenus dans les cernes

La dendroclimatologie... ou l'art d'analyser les signaux climatiques contenus dans les cernes

Une des applications majeures de la dendrochronologie est l'étude des relations entre les paramètres climatiques (température, précipitation, bilan hydrique, etc.) et les accroissements radiaux annuels.

Ce domaine est connu sous le nom de dendroclimatologie. L'objectif est de dégager les facteurs et les périodes clés (=les mois généralement) qui influencent le plus l'accroissement radial des arbres et ceci sur de longues périodes. En dendroclimatologie, les analyses sont donc généralement rétrospectives et portent sur plusieurs dizaines d'années voire sur plus d'un siècle. En fait, c'est l’existence ou non de données climatiques qui limitent le plus souvent les analyses. 
 
L'analyse du signal climatique contenu dans les cernes repose généralement sur le calcul des corrélations entre un ensemble de variables climatiques (climatic regressors) et une chronologie maîtresse d'indices (master chronology). La chronologie maitresse étant une longue série moyennée d'indices de croissance c'est-à-dire de données dans lesquelles les signaux non climatiques ont été éliminés (voir partie standardisation). 
 
Les programmes de calcul des "fonctions de réponse" au climat sont nombreux. Afin de prendre en compte d'éventuels arrière-effets des conditions climatiques de l'année précédente sur la croissance annuelle, les facteurs climatiques sont généralement considérés de septembre (ou octobre) de l'année précédente à août (ou septembre) de l'année en cours. Pour chaque année, on dispose d'un pool de régresseurs mensuels variant généralement de 12 à  24  si on associe ou non les températures avec les précipitations. Avec un tel nombre de régresseurs, il est indispensable d'avoir des chronologies suffisamment longues. En général, il faut au moins deux fois d'années que de régresseurs pris en compte (50 ans pour 24 régresseurs par exemple).

Le tableau et les figures ci-dessous illustrent les relations entre le climat et la croissance observées pour des hêtraies en France. . Dans le tableau, la première ligne correspond à l'association indice de déficit et température minimale, et la seconde au cas indice de déficit et température maximale. Pour HET54a et 54b (**), le modèle a été élaboré à partir de la seule combinaison (Indice-Tmoyenne). Une flèche dirigée vers le haut indique une relation "directe" et vers le bas une relation inverse (effet négatif des fortes valeurs du facteur). Les doubles flèches indiquent les variables significatives au seuil de 1% ou 1 p.mille (10% et 5% sinon). Le r² indique la corrélation entre les indices de croissance observés et les indices reconstruits à partir des seules variables climatiques. Pour HET04, ce sont les corrélations avec le bois initial qui sont précisées car aucune corrélation avec le cerne complet n'a été observée. N1 et D1 = novembre et décembre de l'année précédente.Pour les figures, les reconstructions à partir des modèles climatiques correspondent aux ronds blancs.

Les différents modèles climatiques expliquent en moyenne 34% de la variabilité de la croissance des hêtraies (de 16% à 57% selon le peuplement et la combinaison des régresseurs climatiques). Le déficit hydrique estival de l’année et, dans une moindre mesure, celui de juin et de l'automne (septembre ou octobre) de l'année précédente influencent négativement la croissance. Le déficit du mois de juin explique à lui seul entre 22.2% et 35.6% (moyenne = 26.6%) de la variabilité de la croissance inter-annuelle des hêtraies. La température joue un rôle secondaire. Cependant, quand elle agit son action est souvent positive. Par exemple, les températures automnales et hivernales entrent dans 5 ou 6 modèles avec des seuils de signification souvent seulement de 10%. Là encore, les caractéristiques stationnelles modulent nettement la réponse moyenne des hêtraies au climat. Les stations les plus sèches (HET21 et HET52) s'individualisent nettement avec une sensibilité très forte au déficit du début de l'été. Pour ces peuplements, le climat explique plus de 50% de la variation inter-annuelle de croissance. Les stations mésophiles forment un groupe de sensibilité comparable aux facteurs climatiques, tandis que les sites d'altitude (HET04, HET09, HET65) ou les stations "humides" (HET02, HET29) sont séparées.

Les fonctions de réponse obtenues pour le bois initial sont comparables à celles observées pour le cerne complet, mais le pourcentage de variance expliquée par les modèles est généralement plus élevé (26.2% à 57.8% ; moyenne : 39.4%). Comme pour le cerne complet, la largeur du bois initial dépend essentiellement du déficit hydrique en juin et juillet. Les autres mois et les températures (surtout hivernales) jouent un second rôle. Pour le bois final, les différents modèles sont moins explicatifs. Le taux moyen de variance expliquée est de 30.5% (de 8.8% à 67.4%). La température en fin d'été joue souvent le rôle le plus important. Son effet s'exprime essentiellement à travers les valeurs minimales, et les valeurs élevées en août et/ou septembre favorisent la mise en place d'une bande large de bois final (corrélation observée sur 8 des 15 sites). Les effets négatifs du déficit hydrique en fin d'été sont significatifs pour seulement trois peuplements (HET14, HET21, HET29).

LEBOURGEOIS F., BRÉDA N., ULRICH E., GRANIER A., 2005. Climate-tree-growth relationships of European beech (Fagus sylvatica L.) in the French Permanent Plot Network (RENECOFOR). Trees, 19 (4), 385-401.   

LEBOURGEOIS F., 2005. Approche dendroécologique de la sensibilité du hêtre (Fagus sylvatica L.) au climat en France et en Europe. Revue Forestière Française, 57 (1), 33-50. DOI : https://doi.org/10.4267/2042/5021

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