Contexte

Contexte

Contexte approfondi du projet Amphiforêt

1. Un Amphi en Forêt : une réponse à des enjeux de formation initiale

L’enseignement supérieur en sciences et techniques forestières aborde des méthodes et outils de diagnostics, de construction de scénarios de gestion, d’aide à la prise de décisions, etc. tant d’un point de vue théorique que pratique. La recherche de cette complémentarité passe par la mise au point d’outils pédagogiques permettant notamment à l’élève de tester ses choix, de façon interactive et dans des cas de figure concrets. Les peuplements forestiers sont donc à ce titre des laboratoires où des TD vont pouvoir se dérouler.

Un « amphi en forêt » contribue à cette formation par la construction de plates-formes pédagogiques s’appuyant sur des outils innovants embarqués sur tablettes et tournés vers l’interactivité :

- par modélisation de la réaction d’un peuplement à l’intervention proposée in situ par un élève ;
- par apport de documents et vidéos d’experts pour proposer une argumentation immédiate et in situ à l’intervention envisagée.
L’intérêt de ces plates-formes est aussi de pouvoir mieux adapter la pédagogie au profil de chaque apprenant. Ainsi, la mutualisation de cet outil peut faciliter des TD communs entre élèves d’Écoles ou de cursus différents, ou appartenant à des publics diversifiés comme par exemple des élèves de BTS.

2. Un Amphi en Forêt : aussi en direction des acteurs professionnels et des territoires

De plus en plus, la gestion forestière est au carrefour de demandes multiples, que ce soit des forestiers (propriétaires, gestionnaires, …) ou des acteurs des territoires qui la placent à la croisée d’enjeux économiques (filière), environnementaux (protection des milieux, stockage du carbone, …) ou sociaux (emplois, paysage, ...), sans oublier les incertitudes liées à l’ampleur du changement du climat. Ces demandes peuvent parfois susciter des incompréhensions entre acteurs et avec les forestiers, d’où des demandes qui se font jour de lieux d’échanges et de dialogue.

L’« amphi en forêt » est un élément de réponse à cette attente, les outils développés devant permettre à un stagiaire (élu, chargé de mission, associatif) de visualiser les conséquences possibles de ses choix à moyen terme, de les confronter à une autre argumentation et de progresser vers une compréhension mutuelle.

3. Un marteloscope, qu’est-ce que c’est ?

Ce projet ne part pas de rien. Il s’appuie sur des outils pédagogiques existants, appelés marteloscopes, qui répondent déjà à une partie des questions abordées ci-avant. Quelques précisions :

  • Les coupes de bois, principaux outils du sylviculteur

La coupe d’arbres au sein d’un peuplement forestier est une intervention majeure du sylviculteur qui va en retirer des recettes, régler le renouvellement par la quantité de lumière, favoriser la croissance de tel arbre ou telle essence, conserver ou favoriser des dendro-habitats pour la faune, stocker du carbone, etc.

  • Les marteloscopes, des outils pédagogiques depuis 1991

Le choix des bois à prélever – appelé martelage – est donc une étape déterminante de la gestion forestière ; elle s’appuie sur une analyse fine des caractéristiques individuelles des arbres (qualité, vigueur, intérêt écologique, …). Les forestiers ont développé à partir de 1991 (notamment Pro Silva France et Max Bruciamacchie, ENGREF) l’installation de dispositifs pédagogiques en forêt, les « marteloscopes ».

Sur un hectare environ, tous les arbres sont mesurés, repérés et numérotés. Une base de données est ainsi mise à disposition sous forme de tableau à plusieurs petites équipes de stagiaires qui, parcourant ce marteloscope muni d’un plan, vont désigner fictivement les arbres qu’ils prélèveraient en les cochant sur le tableau en fonction de leurs diagnostics, expériences et scénario de gestion.

L’intérêt pédagogique de cet outil très interactif vient des échanges entre stagiaires d’une même équipe au moment des choix, de la comparaison entre équipes des résultats et surtout des discussions entre stagiaires et animateur repassant dans le dispositif.

La France a été précurseur dans ce domaine avec plus de 150 marteloscopes installés. Plus récemment, plus de 50 ont été ajoutés en Europe, (programme Integrate +, http://integrateplus.org/) avec saisie et traitement des données sur tablettes.

4. Les axes d’innovation portés par le projet AmphiForêt

Dans un marteloscope, tous les arbres sont donc positionnés et notés (essences, diamètres, qualité du bois, valeur écologique, …), permettant d’analyser les caractéristiques des coupes et du peuplement restant selon les choix effectués par chacune des équipes.

Toutefois, les conséquences à court et moyen terme d’une stratégie de martelage sont difficiles à anticiper par des stagiaires (difficulté à intégrer un ensemble de processus dynamiques comme croissance, régénération, récoltes successives, compétitions, dépérissements) et leurs conséquences sur un ensemble de services écosystémiques (production de bois d’œuvre ou de bois de feu, conservation de la biodiversité, bilan économique …). Le projet propose une pédagogie innovante en utilisant la modélisation des peuplements forestiers irréguliers (B. Courbaud, IRSTEA) pour construire par simulation une « photographie » du peuplement à 40 ans tenant compte des décisions successives de coupes.

De même, les arbitrages à réaliser lors de la prise de décision de couper un arbre font appel à de nombreux champs d’expertise : sylviculture, qualité du bois, écologie des espèces, ... Le projet propose de donner la parole à des spécialistes - qui ne peuvent être présents lors des sessions de formation – grâce à des capsules vidéo, pour enrichir le débat entre stagiaires et animateur par des points de vue d’experts.

Ainsi, ces outils peuvent contribuer à réduire l’écart qui existe parfois entre une représentation négative des coupes et la nécessité de gérer la forêt pour qu’elle réponde aux multiples demandes de la société.

5. Zoom sur les marteloscopes pilotes du projet

Le projet s’appuie sur trois marteloscopes pilotes (l’ambition étant de produire des méthodes et outils généralisables) deux étant situés dans la région d’Auberive (52), le troisième étant à installer dans un contexte différent, dans le massif landais, en forêt privée sur la commune de Houstens (33).

  • Les deux marteloscopes du SIGFRA

Les peuplements irréguliers feuillus très mélangés représentent une situation de gestion complexe, permettant ainsi d’aborder de façon très didactique la prise en compte du milieu, les qualités des bois, les essences à favoriser (changement du climat), la préservation de la biodiversité.

Les forêts où ils se situent sont gérées en irrégulier depuis 25 ans par l’ONF, sont support de la Forêt Irrégulière École (FIE) - projet piloté par Pro Silva France, retenu par le MAAF lors de l’AAP « Innovation et Investissements pour l’amont forestier » en 2017- et sont également situés dans le futur Parc National des Forêts de Champagne et Bourgogne. Ils sont complémentaires car à des stades d’exploitation différents.

  • Un marteloscope dans les pins maritimes : un outil innovant

Ce troisième marteloscope - le premier dans ces types de peuplement en France - est à installer, très probablement chez M Jacques Hazera, propriétaire et expert forestier pratiquant le traitement irrégulier depuis plusieurs années (Vice-Président de Pro Silva France).
L’intérêt d’investir dans cet outil dans cette situation géographique est double : fournir un outil pédagogique sur le traitement irrégulier résineux aux élèves de Bordeaux Sciences Agro (et de plusieurs formations BTS voisines) et offrir un scénario de gestion supplémentaire aux propriétaires sylviculteurs landais dont certains manifestent de l’intérêt pour cette technique sans facilement pouvoir s’y confronter.

6. Partenaires rassemblés pour leur complémentarité

- une équipe d’enseignants-chercheurs (en sylviculture, modélisation, pédagogie par projet, anthropologie, cellules vidéos) et d’élèves-ingénieurs pour chaque situation géographique (AgroParisTech et AgroSupDijon pour la région d’Auberive, Bordeaux Sciences Agro et Ecole Supérieure du Bois pour les Landes) ;
- des propriétaires et gestionnaires des sites (SIGFRA, ONF, expert forestier propriétaire) ;
- des appuis scientifiques en modélisation, écologie, sociologie (IRSTEA) et sciences de l’éducation (ASD) ;
-des acteurs associatifs et des territoires (Pro Silva, GIP du PN des forêts de Champagne et Bourgogne).
La volonté de porter ce projet à travers une série de projets tuteurés et de stages se concrétise aussi par le suivi « fil rouge » par des représentants des élèves des Ecoles.

Des partenariats plus larges sont également construits autour de ce projet, pour l’intégrer dans un réseau de plates-formes pédagogiques forestières en lien avec le projet de centre européen de formation du projet TIGA « Des hommes et des arbres, les racines de demain » et de formation de formateurs des associations francophones européennes Pro Silva.
De façon générale, AmphiForêt sera aussi une vitrine du savoir-faire pédagogique des Écoles vers les professionnels et employeurs forestiers.

Contact : Coordinateur : Eric LACOMBE, AgroParisTech, UMR Silva – équipe ForeSTree 
eric.lacombe@agroparistech.fr